Superman Cosmic Green
Un projet de Massimo Furlan dans le cadre du Festival de la Villette « Champs/hors champs », 10 et 11 septembre 2005
Il y a le parc. Un lieu délimité. Un lieu fait de lieux indistincts. Des gens se promènent dans le parc. Ils s’y sentent bien. Il y a des règles à ne pas transgresser. Les règles aident à ce que les gens s’y sentent bien. Il faut respecter les règles. C’est une micro-société. Lieu de détente, lieu où l’on va regarder les autres. En sécurité. Les surveillants surveillent, à pied, en voiture.
Et soudain on voit Superman. Posté à différents endroits. Il y en a plusieurs. Ils sont là, partout. Ils apparaissent. Ils font la ronde. Incarnations de nos rêves: enfants, le soir, vêtus de notre pyjama, un foulard autour du cou, nous étions tous Superman. Aujourd’hui les enfants sont devenus adultes. Des petits, des grands, des maigres, des gros. Ils sont devenus des gens.
Une dernière tentative pour incarner le mythe : à plusieurs, comme si le nombre et la diversité allaient nous aider à approcher le modèle. Une tentative vaine. Un essai raté. Le costume ne révèle qu’un homme ordinaire, banal. Mais les cinq Superman sont là. Dans le parc. Ils scrutent le danger. Ils observent. Le mal est là. Un homme, gros, masqué, vêtu de jaune, avec une cape noire, rôde dans le parc. Au fond, il ne fait rien de mal. Mais il fait peur, il est différent. On ignore en fait qui poursuit qui : l’homme jaune poursuit-il les Superman ou est-ce le contraire ? Peu importe. Il n’y a pas d’histoire, pas de récit : seul celui que les spectateurs amorcent d’eux-mêmes. Partant d’une image fugace, d’un mouvement lent. Situations simples. Les uns derrière les autres. Les uns à côté des autres. Les uns seuls.
Puis il y a la femme. Trois femmes : l’incarnation de l’amour et deux reines cosmiques, fées. Elles sont là, elles ne font rien. Elles regardent dans le vide. De temps en temps elles grillent des saucisses comme pour un pique-nique. Les Superman arrivent, prennent la pause, mangent les saucisses et repartent. Elles ont une baguette magique. Elles s’occupent de l’Incarnation de l’amour, jeune femme vêtue de blanc. Elles la protègent du monde. Elles l’emmènent à travers le parc. L’Incarnation porte une mappemonde sous le bras.
Les Superman circulent parfois dans un petit véhicule électrique, celui des jardiniers. Ils font des figures pitoyables. On dirait des acrobates à la retraite, ou plutôt des gendarmes à motocyclettes lors des parades et défilés. De l’autre côté du parc passe, au volant du même véhicule, l’homme en jaune. Ils se poursuivent. Peut-être.
Situations étranges. Burlesques. De tous côtés. Nulle part. Et puis, sur le canal, en bateau à rames. Lentement ils avancent. Groupés. Peureux. Perdants.
Un travail sur l’incongruité, la révélation et la chute du mythe.
Un travail sur la géographie du lieu, sur l’impossibilité pour le spectateur de capter la totalité du travail, sur la longue durée, sur l’amorce de récit, sur la mobilité et l’éclatement de l’action.