Old Station Heroes
Un projet de Massimo Furlan pour le Blickfelder Festival, Zürich, mars 2006
Ce projet prend sa source dans un spectacle que nous avons créé à Lausanne, “(love story) Superman”, en avril 2005 et que nous avons développé par la suite à Paris, sous le nom de “Superman Cosmic Green” en septembre 2005. Il s’agissait, dans ce travail, d’expérimenter l’incarnation de la figure héroïque de Superman à travers un costume extrêmement simple, à la portée de l’enfant que nous étions : c’est-à-dire un pyjama bleu, un slip rouge, des chaussettes rouges, et une cape rouge. De travailler autour des postures typiques du héros : les bras croisés, les mains sur les hanches, les positions de vol, etc.
Une des caractéristiques et l’un des intérêts de ce travail était que les personnes qui incarnaient le héros n’avaient rien d’héroïque mais étaient de simples individus ordinaires (petits, grands, maigres, gros). De plus, ils étaient simultanément plusieurs à se présenter devant le public, dans un costume identique. Il y avait là quelque chose d’extrêmement burlesque mais aussi de profondément humain. Nous avons désiré, avec “Old Station Heroes”, poursuivre cette recherche avec pour enjeux l’incarnation d’un seul personnage par un grand nombre d’interprètes, âgés, dans un lieu public.
La figure héroïque :
Qu’est-ce qu’un super héros ? qu’évoque la figure de Superman ? Superman est le seul super héros à ne pas être d’origine humaine : il vient d’ailleurs et il a pour mission de sauver le monde et l’Amérique plus particulièrement. C’est une invention qui relève de la propagande nationaliste, à fort relent christique : Superman est fils unique, il est envoyé par son père en tant que rédempteur. Il a été créé à un moment où la société avait besoin de ce héros pour pouvoir se projeter dans un certain nombre de valeurs. Superman est aussi le seul super héros qui ne se déguise pas, dont les attributs sont son essence même, dont le costume est la vraie identité. Il y a donc un pari intéressant à relever au niveau du costume : c’est bien plus qu’un déguisement.
Aujourd’hui on assiste à un retour, une réexhumation des super héros des années 50. Les versions se multiplient. En 2006 est attendue une nouvelle version cinématographique de Superman. Aujourd’hui aussi les figures héroïques sont partout disséminées, sont identifiables dans les domaines du sport et du rock entre autres. La publicité nous présente des joueurs de football aux pouvoirs et à la puissance surhumaine, capables d’envoyer un ballon faire le tour de la terre.
Ce qui nous intéresse, c’est exactement le contraire : démonter les mécanismes de l’héroïsme, annuler ses pouvoirs, et montrer l’homme perdant et perdu.
Les interprètes :
Nous ne cherchons pas des acteurs, bien au contraire. Ce que nous cherchons ce sont des gens, tout simplement. Des gens âgés qui ont juste envie d’être là pour partager une expérience drôle et intense. Nous ne demandons aucune qualité particulière dans l’interprétation. Il suffit d’être ce que l’on est. Nous cherchons une cinquantaine d’hommes âgés de plus de 65 ans, plus ou moins 70 ans (la figure de Superman est née en 1934) : comme si Superman avait vieilli, avait en fait son âge réel. Nous allons travailler essentiellement sur la question de la posture et de l’immobilité. Ce que nous voulons donner à voir ce sont une série d’images fixes dans le centre de Zürich. Ce que l’on peut imaginer c’est une série de figures travaillées lors de séances de travail préalables qui se formeraient et se modifieraient selon un scénario précis. Il faut imaginer le spectateur découvrant une multitude de Supermans disséminés dans les rues, dans la gare, dans un café. Nous voulons travailler aussi sur la question de l’âge : montrer des corps vieillis, fatigués – montrer avec humour un Superman assumant pleinement son âge, en décalage avec l’image de jeunesse éternelle des super héros.