Date(s)

  • 5 avril 2014 – Galerie Abstract – Lausanne (CH)

Le Banquet

Un projet de Massimo Furlan, Numero23Prod.
Performance créée le samedi 5 avril 2014 à l’Espace Abstract à Lausanne, avec les interprètes de la compagnie Numero23Prod.

avec la participation de: Ruth Childs, Young-Soon Cho-Jaquet, Diane Decker, Anne Delahaye, Claire de Ribaupierre, Antoine Friderici, Massimo Furlan, Claudine Geneletti, Sophie Guyot, Nicolas Leresche, Patrick Yael Rion, Nicole Seiler, Simone Toendury, Stéphane Vecchione, Alain Weber.
Caméra: Bastien Genoux

Déroulement
La performance a duré cinq heures. Aucun public n’y assistait. Elle a été filmée intégralement par Bastien Genoux, caméra à l’épaule ainsi que par plusieurs caméras fixées sur casques, harnais, ou déposées dans des espaces fixes, utilisées durant la performance par les performeurs.
Un montage d’images vidéos de cette performance qui a eu lieu à huis clos sera présenté au public, dans les débris et les restes de ce que fut la fête.

Décor
Au centre, une longue table recouverte d’une nappe blanche, apprêtée pour ce qui semble être un banquet ou une soirée d’entreprise. La décoration est festive.
Des instruments de musique, trois guitares, un piano électrique, un micro sur pied sont disposés autour de la table.
Au mur, une série de costumes sont suspendus: ils sont disparates, d’époques différentes, de couleurs multiples. Il n’y a aucune unité de style ni de couleur entre ces vêtements. Un grand meuble est également disposé dans l’espace dans lequel sont disposées 24 perruques. A ses côtés, une petite table de maquillage.

Règles
Avant le début de la performance quelques règles sont données aux performeurs, à savoir:
– ils doivent construire tour à tour des personnages à l’aide des différents accessoires qui se trouvent à disposition.
– ils sont invités à boire, à manger, à se déplacer, à interagir, mais sans parler, avec la possibilité de chanter s’ils le désirent.
– ils devront travailler sur la durée, entrer en transe et réussir à tenir un personnage sous-jacent à toutes les transformations qu’ils vont subir. Ils doivent se mettre dans l’esprit d’une soirée d’entreprise où les relations entrent les gens s’exacerbent, se révèlent.

Fêter – inverser – renverser
La performance met en jeu la question de la fête, fête rituelle ou carnaval. Ici la fête concerne une compagnie de théâtre: elle réunit des performeurs qui jouent à faire la fête mais qui en même temps sont pris par la fête.
Qu’est-ce qu’une fête? la fête est un rassemblement d’individus, elle se constitue de gestes spécifiques liés au partage de nourriture, à la convivialité, à la danse. Mais la fête est aussi un moment qui inverse la quotidien, qui provoque un changement, une forme de révolution. Elle donne la possibilité de sortir de soi, de faire des actions qui s’éloignent de l’ordinaire. La fête est illicite, dans le sens où elle transgresse les règles de la normalité, de la décence par exemple, de la proximité, de la retenue, de la tempérance. En marge du quotidien, la fête construit un espace clos, un moment singulier qui constitue une expérience forte. Sur un plan anthropologique, la fête s’inscrit dans l’excès, elle constitue une dépense, elle renverse les jeux du pouvoir, elle se rapproche du rituel du potlatch mélanésien décrit dans les textes de Marcel Mauss.

Transe
La fête, lorsqu’elle s’instaure en rituel, amène le corps dans un état proche de la transe. Sous l’effet de la fatigue, du rythme, de la musique, de la boisson, du travestissement, le corps entre dans un état autre: éblouissement, transformation des états émotionnels, comme l’angoisse, la tristesse, le rire, le bien être.
Le performeur cherche à atteindre ce état de transe, à se laisser habiter par un personnage qu’il compose, et qui lui permet de devenir autre grâce au travestissement: le corps change, le visage se modifie par le port de la perruque, du maquillage. Personne ne se reconnait plus, l’individu se décline en une suite de personnages, interagit, se change à nouveau, revient, propose, s’amuse, invente.

Durer
Au final c’est de temps qu’il s’agit, de durée, d’épuisement. Les séquences ne sont pas écrites ni déterminées, elles sont aléatoires, improvisées. C’est un long espace temps dans lequel s’inventent des suites d’actions qui durent de quelques secondes à quelques heures. Le temps de l’action est étiré: il est difficile de dire quand ça commence (dès que la caméra tourne sans doute, même si l’action est antérieure). Cela finit sur l’épuisement du caméraman qui ne peut plus porter le poids de sa caméra. D’où l’invention d’une dernière image. Mais l’action pourrait se poursuivre encore, elle se continue ailleurs, en hors champs. On touche alors à l’idée que l’action n’a pas de limite, qu’elle peut potentiellement s’étirer à l’infini, dans l’espace du quotidien, là où n’où n’avons plus d’archives, forme utopique d’un espace artistique qui est celui de la vie, tout simplement. A suivre, à poursuivre.